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    3 questions à Eva Sadoun, coprésidente du Mouvement Impact France

    Dans le cadre de la newsletter Échos Équitable, nous donnons régulièrement la parole à des acteurs engagés en faveur de la transition écologique et solidaire. Ce mois-ci, nous donnons la parole à Éva Sadoun, co-présidente du Mouvement Impact France, le réseau des entrepreneurs et dirigeants qui mettent l’impact écologique et social au cœur de leur entreprise. 

     

     

    Question 1

    On entend parler de « prime au vice » aux entreprises, qu’est-ce que cela veut dire ? Est-ce un frein pour les entreprises qui font le choix d’intégrer des critères sociaux et environnementaux au cœur de leur modèle économique ? 

     

    La prime au vice, c’est ce phénomène qui fait qu’il est aujourd’hui plus rentable pour une entreprise de produire de manière non-durable et en ne prenant pas en compte les critères sociaux. La transition a en effet un coût, car produire en local ou en respectant les standards les plus élevés et maîtriser ses externalités sur l’environnement et la société est nécessairement plus cher que le “business as usual”. Et ce dans le cadre actuellement posé par les décideurs économiques et politiques. En l’état actuel des choses, produire et développer une entreprise de manière sociale et écologique peut devenir un désavantage financier, ce qui est absurde au vu des enjeux que nos sociétés affrontent. Le meilleur exemple de cela est la filière textile : dans le système actuel, il est beaucoup plus rentable de produire très loin, dans les pays les moins-disants d’un point de vue écologique et social, avec des méthodes de “fast-fashion”, que de se lancer dans une production locale, éthique, engagée sociétalement. Tout comme le partage de la valeur, c’est plus coûteux de partager sa valeur que de financiariser son capital. 

     

    C’est ainsi un frein majeur à la transition pour les entreprises, et cela impacte l’ensemble de la société. C’est pour cela qu’avec le Mouvement Impact France et avec LITA nous militons pour une redéfinition complète des politiques publiques, qui permette de faire émerger une vraie compétitivité sociale et écologique. Et de retourner cette prime au vice sur elle-même, pour favoriser les entreprises qui souhaitent se transformer pour le meilleur.

     

    Question 2 

    Aujourd’hui, la fiscalité telle qu’elle est mise en place en France, n’incite pas les entreprises à transformer leurs modèles vers plus de durabilité. En quoi une fiscalité écologique et sociale pourrait-elle contribuer à réorienter les comportements des acteurs économiques ?

     

    La fiscalité est un enjeu absolument majeur pour la transition, et un des piliers de notre plaidoyer au Mouvement Impact France. La prime au vice prend en effet sa source dans un système fiscal qui ne distingue pas les activités sociales et écologiques des autres et qui favorise un modèle libéral classique. La fiscalité est partout. Dans la production, dans l’achat, dans l’investissement. Elle peut réellement agir en boussole.

     

    En réussissant à mettre en place une fiscalité écologique et sociale, on pourrait rééquilibrer ce désavantage financier et créer un système où produire sans aucune considération éthique serait devenu inenvisageable car trop cher. La transition ne serait plus un coût pour les entreprises mais une opportunité, voire une évidence. Cette logique d’incitation et de pénalisation à travers une politique fiscale de bonus malus est vraiment cruciale pour embarquer le plus grand nombre d’entreprises sur le chemin de la transition. Mais pour cela, il faut se mettre d’accord sur la vision de l’entreprise à impact ainsi que les actions à favoriser. 

     

    Question 3

    Quels sont les leviers que la France pourrait actionner pour agir au niveau national et européen ? (PLF, Taxe carbone…)

     

    Nous avons plusieurs propositions pour faire émerger une fiscalité écologique, comme par exemple une modulation de l’impôt sur les sociétés et des charges sociales en fonction de critères d’impact écologique et social, une TVA réduite au taux inférieur pour les produits socialement et écologiquement responsables ou une éco-conditionnalité des baisses d’impôts consentis. Il y a également l’idée d’une taxe carbone au niveau des frontières européennes, mais nous militons pour qu’elle prenne également en compte des critères sociaux et pour qu’elle soit calibrée de manière suffisamment fine pour ne pas peser sur les ménages les plus défavorisés, et donc pour renforcer le projet européen. La présidence française de l’Union européenne, qui a débuté le 1er janvier, doit être l’occasion d’une accélération de ces différents sujets : la France doit être la précurseure d’une fiscalité sociale et écologique, qui crée de véritables incitants au développement d’une économie responsable en Europe. 

     

    N’oublions pas non plus que le préalable de tout cela est aussi le combat pour faire adopter des référentiels ambitieux, rigoureux, communs et transparents pour définir ce qu’est une entreprise sociale et écologique. C’est pour cela que nous avons développé l’Impact Score, et que nous nous battons aux niveaux français et européens pour la mise en place de ces référentiels permettant de comprendre le niveau d’engagement des entreprises, et donc in fine de moduler la fiscalité sur des critères objectifs. L’objectif doit être de s’assurer que l’économie contribue réellement à réduire les inégalités sociales, à préserver la biodiversité et à réduire le niveau d’émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Cette transparence est la condition nécessaire d’une véritable transition, capable de préserver l’humanité.