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    Crises agricole et alimentaire : une alternative est possible !

    30 mars 2022

     

    Avec 20 autres organisations, nous dénonçons l’instrumentalisation de la guerre en Ukraine par les tenants du productivisme, pour se lancer dans une fuite en avant mortifère. Pour une souveraineté alimentaire des pays du Nord comme du Sud, nous présentons des mesures permettant une véritable transition agroécologique.

     

    Si l’agression russe de l’Ukraine va avoir des conséquences massives sur la sécurité alimentaire mondiale, notamment via une flambée des prix alimentaires mondiaux, le contexte alimentaire qui préexistait va empirer les impacts de ce conflit. Avant même cette guerre, l’insécurité alimentaire dans le monde était en effet en hausse pour la sixième année consécutive : en 2020, 2,4 milliards de personnes en souffraient, que ce soit en Europe (10% de la population touchée) ou ailleurs. L’ONU avait d’ailleurs tiré le signal d’alarme quant au risque de crise alimentaire mondiale en 2022, avant même le déclenchement des hostilités russes. Cette situation a donc rendu les populations particulièrement vulnérables à de nouveaux chocs (économiques, climatiques ou conflictuels). 

     

    Il est primordial d’avoir ce contexte à l’esprit si l’on souhaite aborder correctement les impacts agricoles et alimentaires de l’invasion russe en Ukraine. Cette guerre risque d’avoir des conséquences dramatiques car elle s’ancre dans une situation alimentaire mondiale particulièrement dégradée. 

     

    Alors que nous n’avons que quelques mois devant nous avant que cette crise alimentaire ne révèle son ampleur, il ne faut surtout pas limiter le risque de famine aux seules craintes de pénuries sur les marchés internationaux, liées aux conséquences de la guerre en Ukraine. L’urgence à court terme est avant tout liée à la hausse des prix sur les marchés internationaux, rendant inaccessibles certaines denrées alimentaires pour les plus pauvres.

     

    De même, face à cette urgence, il serait simpliste de penser qu’il suffit de produire davantage pour calmer la flambée des prix. D’abord parce que la corrélation entre disponibilité physique et accessibilité économique des aliments n’est pas linéaire, et ensuite parce que la production agricole dans les pays du Nord est déjà très intensive (les marges de manœuvre pour produire plus sont donc extrêmement faibles). Ensuite, il faut rappeler que les productions destinées directement à l’alimentation humaine sont aujourd’hui minoritaires en Europe : 63% des terres arables sont destinées à l’alimentation animale (hors prairies permanentes) et 5% à des cultures de céréales pour les agrocarburants. 

     

    Avant toute fuite en avant productiviste en Europe, il conviendrait déjà de réfléchir à la régulation des prix agricoles et alimentaires, à la mobilisation et juste répartition des stocks de céréales existants et à la réorientation vers l’alimentation humaine de la culture d’immenses exploitations agricoles pour nourrir des élevages industriels et pour fournir des agrocarburants.

     

    Enfin, les ambitions environnementales ne sont pas une entrave à la résilience et à la souveraineté alimentaires, mais sont une des conditions à ces dernières, au Nord comme au Sud. En effet, une agriculture diversifiée et autonome en ressources souffrira beaucoup moins des chocs économiques, géopolitiques et climatiques qu’une agriculture spécialisée et dépendante d’intrants étrangers, souvent issus de ressources non renouvelables. Pour plus de résilience, il est donc urgent de sortir l’agriculture des dogmes de la mondialisation, de sa dépendance aux énergies fossiles ainsi que des pratiques qui dégradent les ressources dont elle dépend (érosion des terres et gestion intensive de l’eau notamment).

     

    Il faut tirer les leçons de cette crise, et des crises précédentes, en accompagnant financièrement les agriculteurs et les populations pour limiter les chocs économiques (mesures de court terme) et pour construire des systèmes alimentaires plus justes et territorialisés afin d’éviter de futurs chocs (mesures de long terme). L’articulation de mesures d’urgence avec des mesures de moyen terme est indispensable pour ne pas nuire aux conditions de subsistance de demain.

     

    La paix, la transition écologique, la résilience économique et la souveraineté alimentaire de tous les peuples nous montrent une voie commune qui est celle de la transition agroécologique.

     

    Cette transition passera par différentes mesures, les principales étant :

    • Soutien aux agriculteur·ice·s les plus en difficulté et accompagnement de la réduction immédiate du cheptel des élevages hors sol
    • Mise en place d’un grand plan de transition pour réduire les besoins en alimentation animale, engrais et pesticides de synthèse
    • Mandat au Comité de la Sécurité Alimentaire mondial pour coordonner des mesures d’urgence répondant aux besoins alimentaires des pays vulnérables
    • Mise en place d’un revenu minimum garanti par un relèvement des minima sociaux
    • Moratoire sur l’usage de denrées agricoles à usage non-alimentaire et sur la construction de fermes usines
    • Lancement d’une expérimentation sur la Sécurité Sociale de l’Alimentation

     

    Découvrir les mesures en détail

     

    Les signataires :

    • Les Amis de la Terre
    • Confédération Paysanne
    • FNAB Fédération Nationale d’Agriculture Biologique
    • Fondation pour la Nature et l’Homme
    • Terre d’Abeilles
    • CCFD Terre Solidaire
    • Greenpeace
    • Réseau Action Climat France
    • Ingénieurs Sans Frontières Agrista
    • Foodwatch
    • RES Réseau Environnement Santé
    • Miramap Mouvement Inter-Régional des AMAP
    • France Nature Environnement
    • SOL Alternatives Agroécologiques et Solidaires
    • Générations Futures
    • Commerce Équitable France
    • ATTAC
    • Bio Consom’acteurs
    • SNA Syndicat National D’Apiculture
    • Action Contre la Faim
    • UNAF Union Nationale de l’Apiculture Française