L’accès au foncier : un défi pour l’égalité femmes-hommes

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, Commerce Equitable France a interrogé Assata Doumbia, Présidente d’ECAM, une coopérative ivoirienne de cacao accompagnée dans le cadre du Programme Équité, sur les enjeux d’égalité des genres au sein de la coopérative et dans la filière cacao.

 

 

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Assata Doumbia et j’ai un diplôme d’Ingénieure en commerce international. J’ai commencé ma carrière dans le cacao en 1997 en tant qu’assistante du directeur commercial de la Société d’exportation du café et du cacao d’Abidjan en Côte d’Ivoire, avant de travailler comme commerciale chez Balmac à Abidjan. Puis j’ai rejoint en 2004 l’Entreprise Coopérative des Agriculteurs de Méagui (ECAM COOP-CA), une coopérative ivoirienne de producteurs de cacao, dont je suis aujourd’hui la Présidente du Conseil d’Administration. J’ai moi-même 15 hectares de cacao et 5 hectares d’hévéa. En 2014, j’ai reçu le 1er prix du meilleur gérant d’une coopérative de café-cacao en Côte d’Ivoire, en 2015 la coopérative a remporté le prix de la meilleure coopérative régionale NAWA et en 2020 le prix de la meilleure coopérative nationale.

 

 

Quelle est la place des femmes dans la filière cacao ?

Dans la filière cacao, les femmes sont moins nombreuses que les hommes et y occupent une place de second plan. Généralement, elles travaillent comme femmes de ménage, dans les cultures maraîchères des plantations de cacao et dans la vente.

 


💡 Les femmes ne constituent que 25 % des producteur.rice.s de cacao recensé.e.s officiellement en Côte d’Ivoire. En réalité, elles constituent 68 % de la main d’oeuvre quotidienne qui travaille sur les plantations de cacao.


 

 

Sont-elles confrontées à des inégalités de genre dans la filière ?

Oui, et ces inégalités concernent particulièrement l’inaccessibilité du foncier agricole pour les femmes. Elles se traduisent par :

  • Le refus de céder une parcelle de l’exploitation à une femme sous prétexte que l’homme est le chef de famille et que c’est donc à lui d’avoir la possession de tout le patrimoine.
  • La non attribution d’une parcelle de l’exploitation aux femmes en cas du décès de leur mari car, selon les préjugés, les femmes n’ont pas droit à la terre : elles sont donc dépossédées des biens au profit des enfants.

 

 

Dans la coopérative, quelles sont les difficultés rencontrées et les défis majeurs à relever pour réduire les inégalités de genre ?

Le défi majeur reste de déconstruire les préjugés des hommes pour qu’ils allouent des parcelles des exploitations aux femmes et pour leur montrer que la place des femmes ne se limite pas à un travail domestique mais qu’elles peuvent, elles aussi, contribuer à la gestion des revenus du ménage. Un autre défi important est de permettre aux femmes d’occuper des postes à responsabilités dans ce secteur d’activité, grâce à la défense de l’égalité des genres.

 

Le défi majeur reste de déconstruire les préjugés des hommes pour qu’ils allouent des parcelles des exploitations aux femmes et pour leur montrer que la place des femmes ne se limite pas à un travail domestique

 

Quelles mesures ont été mises en place dans votre coopérative pour valoriser le travail des femmes et leurs revenus ?

Pour valoriser le travail des femmes, la coopérative a organisé ces dernières en association ou en groupement pour pouvoir mener des Activités Génératrices de Revenu (AGR). Cette action a permis aux femmes de subvenir en partie aux besoins financiers de leur ménages et notamment à la scolarisation des enfants. Par ailleurs, la coopérative a organisé une vaste campagne de sensibilisation des producteurs pour qu’ils concèdent une portion de terre à leurs épouses.

 

 

Votre rôle de femme présidente de coopérative a-t-il une influence sur la prise en compte des questions de genre dans la coopérative ?

Cela a une influence positive sur la prise en compte des questions du genre dans la mesure où je suis prise en exemple lorsqu’il s’agit de convaincre les hommes à impliquer les femmes dans les prises de décisions et aussi dans la gestion des revenus du ménage. Le fait que je sois présidente de Coopérative fait que je suis très écoutée, aussi parce que nous ne sommes pas nombreuses dans ce secteur.

 

 

Selon vous, dans quelle mesure le commerce équitable agit-il pour valoriser le rôle des femmes dans la production ?

Le commerce équitable agit à travers la promotion de l’égalité des genres dans toutes les activités de production. Que ce soit au niveau de la direction, de la gouvernance  de la coopérative ou même des employés, le commerce équitable promeut l’égalité des genres. Il peut apporter des solutions à nos défis en continuant ces actions de promotion, à travers des ateliers où les femmes et les hommes peuvent s’exprimer librement et de manière égale.