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    Mini Davos à Versailles :
    tapis rouge ou régulations contraignantes pour les multinationales ?

    Emmanuel Macron recevra pour la troisième année consécutive plus d’une centaine de dirigeants de multinationales au château de Versailles pour le sommet “Choose France”, ce lundi 20 janvier 2020. Une opération séduction dans un décorum très ancien régime au cours de laquelle l’impact environnemental, social et fiscal réel des activités des entreprises n’est pas à l’ordre du jour.

     

     

    Des droits pour les peuples, des règles pour les multinationales

     

    Les organisations de la campagne “des droits pour les peuples, des règles pour les multinationales”, dont la pétition a reçu plusieurs centaines de milliers de signatures, entendent rappeler que l’heure est à la régulation des activités des multinationales au nom de l’intérêt général

     

    Tout au long de l’année 2019, un collectif de plus de 200 organisations de la société civile issues de 16 pays de l’Union européenne a animé une grande campagne de mobilisation citoyenne intitulée “des droits pour les peuples, des règles pour les multinationales”. Cette pétition a déjà réuni plus de 670 000 signataires. L’objectif ? Interpeller les décideurs nationaux et européens sur la nécessité d’assurer le respect des droits humains et de l’environnement par les entreprises multinationales et de mettre fin aux privilèges dont elles bénéficient via les accords d’investissement. Les 46 organisations françaises membres de cette campagne ont écrit au Ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères, Jean-Yves Le Drian, le 13 janvier 2019, pour le rencontrer afin de l’entretenir de ces exigences collectives et lui remettre la pétition. 

     

     

    Ces réformes sont plus que jamais nécessaires. 

     

    Rupture du barrage de Brumadinho au Brésil, incendie de l’usine Lubrizol en France, demande d’enquête à la CPI à l’encontre de Thalès, Dassault et Airbus pour complicité pour crimes de guerre au Yémen, mise en examen de Lafarge pour financement du terrorisme en Syrie, assignation en justice de Total pour ses activités en Ouganda, meurtres de défenseurs des droits en Colombie et aux Philippines, les exemples de catastrophes et de violations des droits humains engendrées par les activités des multinationales n’ont pas manqué en 2019.

     

    En France, suite à l’entrée en vigueur de la loi sur le devoir de vigilance, de premières mises en demeure et actions en justice à l’encontre de multinationales françaises complices de violations des droits humains et de dégradation de l’environnement ont eu lieu. Néanmoins, de nombreuses lacunes demeurent.  La liste officielle des entreprises concernées par cette loi n’est toujours pas disponible, et les entreprises qui ne s’y conforment pas ne sont pas sanctionnées.

     

    L’action diplomatique française sur ce dossier reste bien trop timide compte tenu de l’enjeu. En effet, si la France a déjà officiellement soutenu les processus en cours au sein de l’Union européenne et des Nations unies pour l’extension de la loi sur le devoir de vigilance en droit européen et international, force est de constater que ce soutien de circonstance ne pèse pas assez dans les négociations qui se tiennent à Bruxelles et à Genève. 

     

    En 2019, les États européens ont aussi subi de nouvelles attaques de la part de grandes entreprises à travers le mécanisme d’arbitrage d’investissement (ISDS). L’entreprise énergétique allemande Uniper, qui détient des parts de deux des quatres dernières centrales à charbon en France, annonce vouloir poursuivre les Pays-Bas en raison de la fermeture d’une centrale à charbon. La Suède est aussi poursuivie pour la première fois par un investisseur qui réclame plus de 1,5 milliards d’euros pour avoir arrêté l’extraction d’uranium.

     

    Pourtant, l’Union européenne et ses Etats membres, y compris la France, continuent de promouvoir l’expansion de l’arbitrage entre investisseurs et États dans les accords de commerce et d’investissement, mais aussi via la création d’une Cour multilatérale en matière d’investissements. Ainsi, le Conseil a donné le 25 juin 2019 son feu vert à la signature des accords de commerce et d’investissement entre l’UE et le Vietnam. Le 15 juillet 2019, il a également adopté un mandat de négociation pour la modernisation du traité sur la charte de l’énergie, sans prévoir de mettre fin ni à l’arbitrage entre investisseurs et États, ni à la à la protection des investissements dans les énergies fossiles. Et le Gouvernement français continue de défendre farouchement la ratification nationale du CETA (accord UE-Canada) qui aurait pour conséquence directe de provoquer l’entrée en vigueur du tribunal d’arbitrage d’investissement

     

     

    « Choose France » à Versailles

     

    Dans ce contexte européen, et en pleine mobilisation autour de la réforme des services publics et des mécanismes de protection sociale en France, la tenue du troisième sommet “Choose France” à Versailles pose question.

     

    L’heure n’est pas à l’opération séduction et au démantèlement des protections sociales et environnementales pour renforcer notre attractivité dans une course au moins disant mortifère, mais bien à la création de nouveaux régimes de droits, assortis de contraintes juridiques fortes, pour s’assurer que ces grandes entreprises puissent être tenues responsables des impacts de leurs activités devant la justice.

     

     

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    Pour aller plus loin

     

     

    Pourquoi en finir avec les tribunaux d’arbitrage internationaux (ISDS) ?

     

    Roumanie : le village de Rosia Montana fait l’objet d’attaques répétées de la compagnie minière Garbiel Ressources depuis plus de 10 ans

     

    Italie : une multinationale pétrolière, Rockhopper, poursuit l’Italie qui a restreint les possibilités d’exploitation pétrolière offshore

     

    Croatie : des promoteurs immobiliers poursuivent les pouvoirs publics suite à l’interdiction de construction d’un complexe immobilier gigantesque à Dubrovnik obtenue suite à une mobilisation populaire

     

     

    Les organisations françaises membres de la campagne 

    ActionAid France, aGter, Aitec, Alofa tuvalu, Alternatiba, Amis de la Terre France, Attac France, Banana Link, Bizi, BLOOM, CADTM, CCFD-Terre Solidaire, Ceras, CGT, Collectif Ethique sur l’étiquette, Collectif Roosevelt, Collectif Stop TAFTA CETA, Comité Pauvreté et Politique, Commerce Équitable France, Confédération paysanne, CRID, Emmaüs International, Fédération Artisans du Monde, Fondation pour la Nature et l’Homme, Fondation Copernic, foodwatch France, FSU, France Amérique Latine, France Libertés, France Nature Environnement, Greenpeace France, I-Buycott, Institut Veblen, Ligue des droits de l’Homme, Max Havelaar France, le Mouvement, Notre affaire à tous, ReAct, Réseau Foi & Justice Afrique Europe, Secours Catholique – Caritas France, Sherpa, Sum of us, Syndicat de la Magistrature, Terre des Hommes, Union syndicale Solidaires, Wemove