Prix planchers : l’engagement du commerce équitable pour une rémunération juste
En réponse à la crise des revenus des agriculteur·rices et aux fortes mobilisations des producteur·rices de ces derniers mois, le gouvernement a annoncé l’instauration de prix planchers. Une mission parlementaire planche actuellement sur la mise en œuvre de telles mesures.
Or, depuis plus de 40 ans, le commerce équitable met en œuvre des prix planchers – souvent appelés prix minimums – sur une base volontaire. Ces outils de partenariat économique s’appliquent dans les filières agricoles internationales, mais aussi depuis 2014 dans des filières françaises qui bénéficient désormais à plus de 10 000 producteurs et productrices.
Ces prix minimums basés sur l’analyse des coûts de production vont de pair avec des contrats sur la durée (comprenant des engagements minimum de prix et volumes), des pratiques de traçabilité, et un soutien aux organisations collectives de producteur·rices. L’ensemble de ces engagements économiques apportent de la sécurité et de la visibilité économique aux producteur·rices et sont particulièrement propices aux investissements dans la transition agroécologique.
Comment les acteur·rices de commerce équitables pratiquent-ils les “prix – planchers”? Retour d’expérience :
Deux cas de figure :
- les labels de commerce équitable agissent en tant que tiers de confiance et établissent des prix minimums, à partir d’études sur les coûts de production durable ;
- les collectifs de producteur·rices eux-mêmes déterminent ces prix, et les labels déploient des audits indépendants pour assurer que ces prix minimums couvrent effectivement les coûts de production.
Les prix minimums varient selon les productions et peuvent prendre en compte les spécificités locales, favorisant ainsi une approche plus contextualisée. Mais quand des références nationales de coûts de production existent, elles peuvent s’avérer une aide précieuse pour élaborer les prix minimums avec, si besoin, une contextualisation locale. A noter également que les coûts peuvent s’avérer assez différents d’un mode de production à un autre ; il est donc très utile par exemple de disposer de références nationales ou locales d’analyse de coûts de production en bio.
Ainsi, dans les filières de commerce équitable, il n’existe pas un prix plancher unique par produit mais des prix minimums qui peuvent s’adapter à chaque partenariat de filière.
Un filet de sécurité & un facteur d’accompagnement de la transition écologique
Commerce Équitable France anime depuis plusieurs années, au sein du Comité National du Commerce Équitable Origine France, des échanges interprofessionnels entre les différents labels, entreprises et organisations de producteur·rices. Ce cadre de dialogue permet notamment d’échanger sur les pratiques, les défis et les solutions mises en œuvre par les différent·es acteur·rices concernant les méthodes de calcul des coûts de production.
Des questions essentielles concernant le niveau de rémunération des producteur·rices, leur temps de travail, l’échelle territoriale ou encore la prise en compte des modes de production sont soulevées.
La méthode parfaite n’existe pas, mais intégrer une analyse des coûts de production dans l’établissement d’un prix plutôt que subir uniquement le diktat des prix du marchés fait toute la différence dans les négociations entre maillons de la filière.
Passer de prix planchers volontaires à une généralisation : une idée forte et de nombreux défis !
Les pratiques de commerce équitable montrent que des prix planchers au sein de contractualisations volontaires entre acteur·rices des filières alimentaires permettent de relever le double défi de juste rémunération des producteur·rices et de transition écologique des pratiques.
Permettre à plus de producteur·rices d’accéder à des contractualisations de commerce équitable est indispensable. Pour cela, Commerce Équitable France appelle de ses vœux une politique volontariste du développement des filières de commerce équitable à travers un Fonds Avenir Équitable et une politique d’accessibilité des consommateur·rices aux produits labellisés, à travers des communications renforcées et une fiscalité différenciée.
Pour passer de l’élargissement de la niche du commerce équitable, à une norme d’équité dans le commerce et la généralisation des prix planchers, il faudra pouvoir travailler sur le régime de concurrence déloyale que subissent de nombreux·euses producteur·rices – en France et en Europe, comme dans les pays du Sud – face à des produits issus de modes de production non durable et moins exigeants d’un point de vue des normes sociales et environnementales.
Il faudra également traiter la question de coordination et de gestion de l’offre de produits agricoles afin d’éviter les phénomènes de surproduction. Enfin la généralisation des prix planchers implique un risque intrinsèque de tendance inflationniste qu’il faudra traiter à travers une transparence accrue sur les marges nettes des maillons avals des chaînes de valeurs agro-alimentaires.