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    Sécurité alimentaire, inflation et transition climatique : la pertinence des principes du commerce équitable face aux crises

    Papier de position

    A Paris, le 6 mai 2022

     

    Sécurité alimentaire et pouvoir d’achat

    L’agression de la Russie contre l’Ukraine provoque une flambée des prix du gaz, mais aussi des cours des céréales et des engrais azotés de synthèse. La situation s’annonce critique pour les pays dépendants des importations pour nourrir leur population comme ceux du pourtour méditerranéen ou les pays sahéliens. Les conséquences sont importantes aussi pour ceux qui – comme la France – importent en quantité des engrais russes pour une partie significative de leur agriculture [industrielle]. Ainsi, si cette guerre pénalise le pouvoir d’achat des Français elle menace aussi directement la sécurité alimentaire de millions de personnes dans les pays du Sud.

     

    Urgence écologique

    En parallèle, le dernier rapport du GIEC publié en avril rappelle l’urgence d’une action climatique pour décarboner nos modes de production et de consommation. Pour les auteurs du GIEC, il est encore temps d’agir pour atténuer ses conséquences ravageuses sur la paix et la sécurité alimentaire mondiale. En matière d’agriculture et d’alimentation, relever le défi climatique implique de réduire drastiquement l’utilisations d’engrais azotés de synthèses et de pesticides – fortement émetteurs de gaz à effet de serre- et de développer massivement les solutions existantes (telle que l’agroécologie et l’agroforesterie) pour séquestrer et stocker du CO2 à grande échelle. La réduction de la part de protéine animale dans les régimes alimentaires – notamment occidentaux – est également primordiale.

     

    Ainsi, l’actualité géopolitique comme l’urgence climatique confirment la nécessité d’accélérer la transition de l’agriculture et de l’alimentation vers des systèmes agroécologiques productifs, plus diversifiés et plus autonomes – permettant de concilier une résilience à la fois écologique et économique.

     

    Dans ce contexte, les principes du commerce équitable confirment plus que jamais toute leur pertinence :  

    1. Un prix équitable aux producteurs est un prix qui couvre leurs coûts de production permettant, d’une part, de vivre dignement de leur métier, d’une part et d’autre part, d’engager les investissements nécessaires à la transition agroécologique.

     

    Paul Toti, éleveur de bovins dans le cantal, confirme :

    « Le commerce équitable nous a permis ces dernières années de structurer notre offre de viande bio, d’approfondir nos pratiques de préservation de la biodiversité et du respect du bien-être animal et d’accueillir de nouveaux éleveurs dans la coopérative. Aujourd’hui l’augmentation des coûts de production pourrait diminuer nos revenus, mais nos contrats équitables prévoient que l’on puisse intégrer cette hausse dans nos prix de ventes à nos acheteurs. Pour les consommateurs, l’agroécologie associée au commerce équitable est une promesse d’une alimentation de qualité, respectueuse des êtres humains et des ressources naturelles. 

    2. Un prix équitable aux producteurs est un prix qui permet de relever le défi climatique et préserver la biodiversité. 

     

    En Côte d’Ivoire, on estime que pour stopper la déforestation issue de la culture de cacao (premier exportateur mondial) il faudrait pouvoir transformer les modes de production et installer des systèmes agroforestiers permettant de restaurer la fertilité, la résilience et le potentiel productif des cacaoyères. Ces investissements sont hors de la portée des producteurs de cacao qui vivent généralement avec moins de 1 $ par jour. 

     

    Les coopératives de commerce équitable sont pionnières pour initier ces transformations en s’appuyant sur les prix stables et rémunérateurs de leurs partenaires de commerce équitable.  

    Camille Abou, président de la coopérative de cacao CAMAYE en Côte d’Ivoire, 

    Le système d’agroforesterie consiste à mettre en association plusieurs cultures. Nous avons associé les cultures vivrières, les arbres forestiers, les arbres fruitiers et le cacao sur une même parcelle. Il y a beaucoup d’avantages sur le plan économique comme sur le plan agronomique car la résistance des cacaoyers contre la sécheresse et le réchauffement climatique s’améliore aussi.  Mais le prix du cacao sur le marché ne nous permet pas de transformer toutes nos parcelles en agroforesterie. Nous avons besoin de plus de commerce plus équitable !

    3. Un prix équitable aux producteurs doit être un prix zéro-spéculation pour être accessible aux consommateurs.

     

    La flambée des prix alimentaires n’est pas dû qu’à l’augmentation des coûts de production mais également à d’intenses activités spéculatives rendus possibles par la financiarisation des marchés agricoles.  Ainsi, les émeutes de la faim sont davantage caractérisées par l’inflation des prix alimentaires que par la pénurie physique de céréales. 

     

    En étant basé sur les coûts de production, le prix du commerce équitable peut constituer un formidable outil anti-spéculation. Il permet ainsi de s’extraire volontairement du diktat des marchés spéculatifs déconnectés des réalités de production pour stopper à la folie spéculative qui se répercute dans les filières jusqu’aux consommateurs. Dans ce contexte, l’augmentation des prix des produits équitables pourrait être bien plus faible que celles des produits conventionnels. 

     

    Dans la situation actuelle, les caractéristiques des filières de commerce équitable démontrent tout leur intérêt des producteurs aux consommateurs.

     

    A l’occasion de la 22ème quinzaine du commerce équitable, les acteurs du secteur formulent 3 demandes urgentes au gouvernement pour lutter contre les risques de famines, lutter contre la pauvreté des producteurs et accélérer la décarbonation de notre agriculture.