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    3 questions à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes

    Pour discuter de la place des femmes dans les filières agricoles en France et à l’international, nous donnons la parole à Stéphanie Pageot, éleveuse bio en Loire Atlantique et secrétaire nationale de la FNAB en charge de l’égalité, et Emilie Durochat, déléguée adjointe de Commerce Équitable France, coordinatrice du Programme Équité en Afrique de l’Ouest et référente sur les questions de genre au sein du collectif.

     

     

     

    1) Quelle est la place des femmes dans les filières agricoles biologiques et équitables (par rapport aux filières conventionnelles) ?

    Stéphanie Pageot : En agriculture biologique, en France, les femmes agricultrices représentent près de 25% des chef·fe·s d’exploitations agricoles et ce chiffres est en constante progression.

     

    Dans la filière bio la majorité des femmes viennent d’autres milieux professionnels et s’installent en agriculture dans le cadre d’une reconversion professionnelle. Par ailleurs ce sont souvent les femmes qui sont à l’origine du passage en bio de la ferme.

     

     

    Emilie Durochat : Les femmes sont au coeur des filières de commerce équitable et jouent généralement un rôle productif essentiel ! À titre d’exemple, les femmes représentent 68% de la main d’œuvre sur la filière cacao en Côte d’Ivoire et assurent une part importante de la production, de la collecte et de la transformation.

     

    Le problème c’est que, comme dans les filières conventionnelles, leur travail est bien souvent « invisible » : elles sont moins souvent que les hommes propriétaires des parcelles sur lesquelles elles travaillent, ne disposent pas de statut reconnu de « productrice » et c’est généralement leur mari qui touche le revenu lorsque la production est vendue à la coopérative. Sur la filière cacao en Côte d’Ivoire, on estime que seulement 25% des propriétaires des parcelles de cacao sont des femmes et que les femmes ne touchent que 15% des revenus des cacao.

     

    Les femmes sont généralement sous représentées dans les instances dirigeantes des coopératives et c’est la raison pour laquelle plusieurs labels de commerce équitable ont mis en place ces dernières années des stratégies ambitieuses pour favoriser l’accès des femmes au foncier et accroître la participation des femmes au sein des coopératives.

     

     

    2) Selon vous, en quoi l’égalité femmes-hommes est une problématique dont il faut se saisir ? Qu’est-ce qui vous motive à agir ?

    SP : En agriculture, la problématique de l’égalité femmes-hommes est prégnante car c’est un milieu très masculin et patriarcal. Nous avons donc beaucoup à faire pour faire évoluer les mentalités et faire prendre conscience à toutes et tous que le sujet est important. Souvent les personnes pensent qu’il y a déjà égalité et donc pas de sujet. Ce n’est évidemment pas le cas.

     

    Les femmes ont beaucoup plus de difficultés à acquérir de la terre ou avoir un prêt bancaire pour s’installer en tant que cheffes d’entreprise en agriculture. Autre exemple : le matériel agricole est construit par des hommes pour des hommes. Et ne parlons pas de la répartition des tâches ménagères et familiales dans les couples en agriculture… surtout pour les plus de 40 ans…

     

     

    ED : Faire avancer l’égalité femme-hommes dans les filières de commerce équitable est essentiel si on veut démultiplier les impacts positifs du commerce équitable ! En effet, un partenariat de développement économique et social, comme celui du commerce équitable, s’il ignore le point de vue des femmes et les rapports de genre ne peut produire qu’exceptionnellement, voire accidentellement, des effets neutres ou positifs pour les femmes. Il risque le plus souvent de pérenniser ou renforcer involontairement des inégalités déjà existantes !

     

    L’empowerment des productrices fait partie des objectifs affichés du commerce équitable : des principes de « non discrimination » à l’égard des femmes sont intégrés dans les cahiers des charges de ses labels, à travers des critères tels que la participation des femmes aux instances de décision des coopératives. Mais la mise en œuvre opérationnelle de ces dynamiques au sein des coopératives de commerce équitable reste bien souvent expérimentale et repose sur des démarches volontaristes.

     

    Il y a eu ces dernières années une véritable prise de conscience de la part des organisations de commerce équitable que l’égalité femmes-hommes était en enjeu prioritaire pour que le secteur puisse bénéficier à un nombre croissant de producteur·rice·s et améliorer durablement leurs conditions de vie !

     

     

    3) Quelles actions concrètes (ou tendances) voyez-vous émerger sur le terrain ? Et quel est le chemin qu’il reste à parcourir ?

    SP : Avec la FNAB (Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique) et ses groupements de producteur·rice·s régionaux et départementaux, nous essayons de sensibiliser les agriculteur·rice·s à cette problématique : nous proposons des formations pour devenir ambassadeur·rice de l’égalité en agriculture bio.

     

    Par ailleurs nous avons travaillé avec une troupe de théâtre pour aborder l’égalité femmes-hommes avec des scénettes décalées pour faire réagir le public et créer du débat. Nous ciblons particulièrement le public des jeunes en enseignement agricole.

     

    Nous avons construit un guide pour aider les femmes qui souhaitent s’installer en agriculture bio. Il reste beaucoup à faire mais la prise de conscience globale de la société imprègne aussi le milieu agricole et c’est tant mieux.

     

    ED : Les labels de commerce équitable tels que Fairtrade Max Havelaar, WFTO et SPP disposent désormais de stratégies « genre » ambitieuses pour faire avancer l’égalité femmes-hommes dans leur filières. Par exemple, Fairtrade Africa a mis en place un programme innovant « L’École du Leadership des Femmes » qui permet aux productrices ivoiriennes de cacao de devenir des leaders paysannes au sein de leur communauté et d’être plus autonomes sur le plan économique.

     

    Plusieurs expériences ont d’ores des résultats prometteurs : au sein d’une organisation de producteur·rice·s en Ouganda, le paiement du café a été conditionné par la présence des deux membres du couple ; au Bénin, une coopérative de production de beurre de karité biologique a conditionné l’adhésion à la coopérative par la scolarisation des filles de ses membres, garantissant ainsi la scolarisation de près de 1 500 jeunes filles.

     

    On constate aussi que les organisations 100% féminines, qu’on retrouve souvent dans le secteur de l’artisanat équitable, peuvent permettre de générer un rapport de force et contribuent à faire bouger les normes sociales.

     

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